vendredi 26 avril 2013

Question Prioritaire de Constitutionnalité concernant les travailleurs pauvres





Art. 61-1.- de la Constitution française

Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.




QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
MEMOIRE RECAPITULATIF




Dans le cadre du litige opposant

BOUTHEMY Jean Claude, né le 13 juillet 1951, demeurant Le Pont Besnard 35460         La Selle en cogles
Demandeur

            Contre
la Société T I V , compagnie de transports d’ille et vilaine
Défendeur
            Assistée de Me Jean-Christophe GOURET



Devant
LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR D’APPEL DE CAEN

à l’audience du
16 janvier 2014 à 8h45






Disposition législative contestée :


                        - Ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel.
                       
A partir du moment où il s’agit d’une ordonnance, se pose d’une part la question de sa validité et d’autre part la question de savoir si une telle ordonnance peut être qualifiée de disposition législative, condition indispensable pour pouvoir faire l’objet d’une QPC.

L’article 38 de la Constitution Française prévoit que Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

Le projet de loi portant Ratification des ordonnances prises en application de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 a été déposé à l'Assemblée Nationale le 20 décembre 1986 dont l’article unique est ainsi rédigé : Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d’ordre économique et social :
            1°…
            2° Ordonnance n° 86-948 du 11 aout 1986, modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel, prise en application de la loi n°86-793 du 2 juillet 1986 ;

Nous pouvons donc affirmer que l’ordonnance déférée n’est pas caduque.

Il nous reste à examiner la question de la ratification de cette ordonnance invoquée par les 2 parties en défense pour refuser que ma QPC puisse être acceptée par les juges de la Cour d’Appel de Caen.
La ratification permet de donner le statut législatif à une ordonnance qui demeure au stade réglementaire faute de ratification.

            La loi du 23 juillet 2008 en affirmant que Les ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse a imposé aux législateurs une clarté dans une pratique qui pouvait aboutir à une insécurité juridique.
            Cette nouvelle disposition ne s’impose que pour les ordonnances postérieures à la révision constitutionnelle de 2008.
           
Avant la loi du 23 juillet 2008, les autorités judiciaires reconnaissaient la ratification implicite. Pour preuve, je fais appel à un extrait d’un Travail parlementaire du Sénat intitulé LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RATIFICATION des ORDONNANCES :
Jusqu'en 2008, la jurisprudence a admis que la ratification puisse être implicite. Le Conseil constitutionnel a ainsi accepté dès 1972 qu'une ordonnance puisse faire l'objet d'une ratification implicite.
Dans sa décision n° 72-73L du 29 février 1972, il a déclaré que « l'article 38, non plus qu'aucune autre disposition de la Constitution ne [faisait] obstacle à ce qu'une ratification intervienne selon d'autres modalités que celle de l'adoption du projet de loi » de ratification et que « par suite, cette ratification [pouvait] résulter d'une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement ». Il se situait ainsi dans le prolongement d'une jurisprudence élaborée par le Conseil d'État sous la IVe République en matière de ratification des décrets pris sur délégation législative.
Le juge constitutionnel a confirmé sa position en 1987, par sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier sur la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil de la concurrence en déclarant : « il n'est pas exclu que la ratification de tout ou partie des dispositions d'une des ordonnances visées à l'article 38 de la Constitution puisse résulter d'une loi qui, sans avoir cette ratification pour objet direct, l'implique nécessairement [...] saisi d'une loi de cette nature, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de dire si la loi comporte effectivement ratification de tout ou partie des dispositions de l'ordonnance en cause et, dans l'affirmative, si les dispositions auxquelles la ratification confère valeur législative sont conformes à la Constitution ».
De même, le Conseil d'État, selon une jurisprudence constante, a confirmé sous la Ve République la possibilité de procéder à des ratifications implicites. La formulation de ses arrêts avait tendance à reprendre celle du Conseil constitutionnel selon laquelle la ratification de tout ou partie des dispositions d'une ordonnance intervenue à la suite d'une loi d'habilitation prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution « peut résulter d'une loi qui, sans avoir cette ratification pour objet direct, l'implique nécessairement ».

En ce qui concerne l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, elles sont nombreuses les lois qui en modifiant les textes issus de cette ordonnance lui ont conféré valeur législative.
Les lois n° 87-423 du 19 juin 1987, no 90-613 du 12 juillet 1990, n° 93-1313 du 20 décembre 1993, n° 98-461 du 13 juin 1998 et no 2000-37 du 19 janvier 2000 qui chacune ont modifié ou abrogé l’un ou l’autre article de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986, ont conféré à chacun des articles de cette ordonnance l’aspect législatif indispensable pour satisfaire la condition de disposition législative imposée par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
Si besoin je peux démontrer dans le détail le lien entre ces lois et chacun des articles de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.



Pour refuser la transmission à la cour de cassation, la société Véolia s’appuie sur l’abrogation de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
Un argument qui serait à prendre en considération si il était exact.
Pour se convaincre que l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 n’a pas été abrogée, il suffit de se rendre sur le site de Légifrance où cette ordonnance existe dans la version en vigueur à la date de ce jour.
Si la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, dans son article 43-III a, a effectivement abrogé le paragraphe 3 de la section II du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail et les articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du même code qui avaient été créés par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, cette même loi précise dans le paragraphe qui suit que b) Les dispositions des conventions ou accords collectifs conclus en application des articles L. 212-4-8 et suivants sont maintenues en vigueur.
Autant dire que cette abrogation ne concerne en rien les dispositions du protocole du 15 juin 1992 qui sont maintenues en vigueur malgré l’abrogation des textes qui ont créé le travail intermittent.

            Faire état d’une telle abrogation sans incidence sur le débat qui nous concerne relève d’une certaine malhonnêteté intellectuelle. En tirer la conclusion que ma QPC serait donc inutile dans la mesure où on ne voit pas très bien comment on pourrait demander au Conseil constitutionnel d’abroger quelque chose qui l’a déjà été, est d’autant plus déplacé que, même si il y avait eu une abrogation totale des articles instituant le travail intermittent, cette abrogation ne concernerait que 3 articles sur les 14 articles qui constituent l’ordonnance déférée.
            D’autant plus que le Conseil Constitutionnel lui-même dans une décision n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010 a jugé que…, le constituant, en adoptant l'article 61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette dernière ;


En tout état de cause, si les parties en défense arrivaient à convaincre le tribunal que l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 devait être déclarée de nature réglementaire, nous nous trouverions exactement dans la configuration de l’incompétence négative où le législateur n’assume pas le role dévolu par la Constitution et sanctionnée par le Conseil Constitutionnel en ces termes : 16. Considérant que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;






Normes Constitutionnelles invoquées :


                        1          -Constitution française 
                                                          
                                                          
                                                           - Principe de séparation des pouvoirs

                                                           - Principe de lisibilité de la loi

                                                           - Alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi
                                                           -Alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.

                                                           -Article 2 La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité" Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

                                                           -Article 24 Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques…

                                                           -Article 34 …La loi détermine les principes fondamentaux : …
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale…

                                                           -Article 38 Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.

                                                           -Article 39 L'initiative des lois appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.
Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.
La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

                                                          


                        2          -Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 26 août 1789

                                                           -Article 6 La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation…
                                                           -Article 16 Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.




Question Prioritaire de Constitutionnalité

                        L’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel
d’une part en instituant des dérogations à la norme du contrat de travail à temps plein et à durée indéterminée,
d’autre part en permettant le cumul de plusieurs de ces dérogations dans un même contrat de travail
et enfin en se substituant au législateur dans un domaine relevant de l’article 34 de la Constitution Française
porte-t-elle atteinte
premièrement au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs,
deuxièmement au principe constitutionnel de lisibilité de la loi,
troisièmement aux droits du citoyen de participer à l’élaboration de la loi garantis d’une part par les articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et d’autre part par les articles 2, 24 et 34 de la Constitution Française,
quatrièmement au droit constitutionnel de vivre dignement de son travail garanti par les alinéas 5 et 10 du Préambule de la Constitution ?
.          


Juridiction saisie :  Cour d’Appel de Caen

                        Par un arrêt n° 339 du 20 février 2013, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Angers et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Caen.
                        Le 25 février 2013, j’envoyais un courrier à Monsieur Le Président de la chambre sociale de la cour d’appel de Caen, lui demandant l’inscription de mon affaire qui a reçu comme référence : RG 13-00712.
                        L’audience avait été fixée au jeudi 3 octobre 2013 à 8 h 45.
                        Par décision du tribunal, l’examen de la QPC est renvoyé au 16 janvier 2014.
           


Critères de recevabilité
           
                        L’article 23-2 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel exige que 3 conditions soient réunies pour la transmission par la juridiction saisie de la QPC à la Cour de Cassation.
La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.




1                      La disposition législative critiquée est applicable au litige

            A partir du moment où la Société TIV justifie de la légalité de mon contrat de travail du 9 mai 2000 en se référant au protocole d’accord  du 15 juin 1992, annexé à la convention collective nationale des transports routiers, entré en vigueur le 7 aout 1992 (arrêté d’extension du 4 aout) et que ce protocole s’appuie sur l’ordonnance du 11 août 1986 qui instituait le travail intermittent et d’autres dérogations au contrat de travail ordinaire, si je démontre l’inconstitutionnalité de cette ordonnance, c’est l’illégalité de mon contrat de travail qui est ainsi démontrée.
           
Une disposition législative au cœur du litige qui m’oppose à la société TIV

            La convention collective est un texte réglementaire définissant chacun des statuts des employés d'une branche professionnelle. Lorsqu’elle est étendue au niveau national, elle s’impose à tous les travailleurs de la branche et à tous les employeurs.

            Le protocole d’accord relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires du 15 juin 1992 dont l’arrêté d’extension du 4 aout 1992 est paru au JO du 7 aout 1992, s’impose à toutes les entreprises pour l’emploi de conducteur scolaire.
            A la date de mon embauche, le 9 mai 2000, c’était le seul texte en vigueur qui encadrait l’activité de conducteur scolaire.
            Des lois et des règlements étaient parus entre temps mais aucun n’avait abrogé ou modifié cet accord collectif qui continuera d’encadrer cette activité jusqu’à l’application d’un nouvel accord collectif applicable en janvier 2004.

            Sauf à apporter la preuve qu’il existait au moment de mon embauche, à la date du 9 mai 2000, un autre accord collectif applicable à la profession de conducteur scolaire, personne ne pourra contester que c’est le protocole d’accord du 15 juin 1992 qui encadrait mon contrat de travail conclu avec la Société TIV.

            C’est en fonction de la situation au moment des faits qui lui sont soumis que la justice doit se prononcer. Le Conseil Constitutionnel lui-même a jugé que cette condition est remplie même si la disposition législative en cause est abrogée depuis lors (n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010) :le constituant, en adoptant l'article 61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette dernière ;
           

            Comme il est dit dans le préambule du protocole d’accord relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires, celui-ci intègre les préoccupations du législateur énoncées dans l’Ordonnance du 11 aout 1986.
            Dans le même préambule, la référence aux articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du code du travail, créés par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, renforce la subordination du protocole à cette ordonnance.

            Quant à l’argumentaire par lequel le protocole d’accord du 15 juin 1992 ne saurait être lié d’une quelconque manière à l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, il est assez consternant de constater que pour sa démonstration, la partie adverse s’appuie sur l’article L 212-4-8 du code du travail en feignant d’ignorer que cet article de loi a été créé par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.

            Dans son mémoire en défense, le ministère public invoque le manque de précision dans la question, ne lui permettant pas de vérifier si la disposition critiquée peut être considérée comme étant applicable au litige et présenter un caractère sérieux.
A partir du moment où, dans son préambule, l’accord collectif du 15 juin 1992 qui encadre la profession de conducteur scolaire fait explicitement référence à l’ordonnance déférée.
A partir du moment où ce même accord collectif  du 15 juin 1992 fait directement référence aux dispositions des articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du code du travail, créés par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
A partir du moment où mon contrat de travail comprend des périodes intermittentes codifiées par l’article 10 de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
A partir du moment où mon contrat de travail comprend des périodes de travail à temps partiel modifiées par l’article 8 de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
A partir du moment où mon contrat de travail cumule plusieurs dérogations à la norme du travail à temps plein issues directement de l’application de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 .
A partir du moment où mon recours devant les différents tribunaux a toujours contesté la légalité du statut de conducteur scolaire issu du protocole d’accord du 15 juin 1992, il apparaît difficilement contestable que la disposition législative critiquée est applicable au litige conformément au critère exigé par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.


            Considérant que mon contrat de travail de conducteur scolaire était obligatoirement encadré par le protocole d’accord relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires du 15 juin 1992, considérant que le protocole intégrait de nombreuses dispositions contenues dans l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, considérant que mon action devant la justice sociale porte sur la requalification de mon contrat de travail, il n’est pas contestable que l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 est au cœur du litige qui m’oppose à mon employeur, la société TIV.
            Si le Conseil Constitutionnel juge anticonstitutionnelle l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, les juges n’auront d’autre solution que de déclarer mon contrat de travail illégal et de le requalifier en contrat de travail à temps complet avec toutes les conséquences qui en découlent.

2                      La disposition législative critiquée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

            Dans la mesure où il s’agit d’une ordonnance dont la ratification n’est pas expresse mais implicite, la saisie du Conseil Constitutionnel par les membres du parlement était impossible.
            La partie en défense s’appuie sur la décision 99-423 DC pour affirmer que le Conseil Constitutionnel aurait déjà déclaré conforme le dispositif du travail intermittent.
                       
            D’une part la question du travail intermittent ne concerne qu’une petite partie de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986. Sur les 14 articles de l’ordonnance, seul l’article 10 traite du travail intermittent.
            D’autre part le fait que dans sa décision 99-423 DC, le Conseil Constitutionnel n’ait pas déclaré contraires à la constitution des dispositions qui ne lui étaient pas soumises à contrôle, ne signifie nullement une conformité à la Constitution. Aucune des questions soulevées par les demandeurs ne portait sur le travail intermittent et le Conseil lui-même dans son considérant 77 a précisé : Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner d'office aucune question de constitutionnalité ; il en résulte que la conformité à la Constitution du dispositif instituant le travail intermittent n’a jamais été examiné par le Conseil Constitutionnel.
            Enfin je réitère l’affirmation par laquelle c’est surtout le cumul des dérogations dans un même contrat de travail qui aboutit à priver le travailleur des droits et libertés que la Constitution garantit

3                      La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux..

                        Une fois écartés les moyens fantaisistes ou dilatoires, quels sont les critères pour apprécier le caractère sérieux d’une QPC et en particulier de celle-ci ?

1          Le fait que le législateur a cru nécessaire de proposer une loi pour préciser que Les ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse souligne que la pratique antérieure à la loi du 23 juillet 2008 n’était pas satisfaisante et que cela était susceptible de remettre en cause la constitutionnalité des ordonnances ratifiées de manière implicite.
2          Au vu de tout ce qui a été développé sur le cheminement particulier de cette ordonnance, sur les conséquences pour le moins contestables, concernant les droits et libertés garantis par la Constitution, de l’application concrète des possibilités offertes aux employeurs, peut-on affirmer de manière certaine qu’aucun droit ou liberté n’est remis en cause par cette ordonnance ?
 Le simple doute sur la constitutionnalité de cette ordonnance doit conduire les juges de la Cour d’Appel à transmettre la QPC à la Cour de cassation.
3          Lorsque l’on constate les résultats qui découlent pour le « travailleur pauvre » des possibilités offertes par cette Ordonnance, l’on ne peut que souhaiter que le législateur puisse être saisi de la question du cumul de dérogations dans un même contrat. L’inconstitutionnalité obligera le législateur à se prononcer sur un tel sujet.

            Pour démontrer l’absence de sérieux de la question soulevée, la partie en défense s’appuie sur une abrogation de la disposition critiquée, sur une loi d’habilitation non censurée par le Conseil Constitutionnel et…sur un jugement de la cour administrative d’appel de Nantes. Alors même que l’abrogation ne concernait pas les accords conclus antérieurement, alors que le Conseil Constitutionnel dans son considérant 21 a affirmé Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l'habilitation qu'il demande en vue de la réalisation de son programme, il n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation et qu'il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions ; alors que la référence à ce jugement ne vise qu’à déconsidérer le combat que je poursuis pour faire bénéficier les plus pauvres des droits inscrits dans la Constitution, la partie défenderesse démontre le peu de sérieux de ses arguments

            Les moyens nouveaux octroyés aux employeurs par cette ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 ont abouti à ce statut nouveau de « travailleur pauvre » qui ne permet plus au salarié de vivre décemment de son travail.
            On peut espérer que si les élus au parlement avaient eu l’occasion de se prononcer sur ces moyens nouveaux octroyés aux employeurs, ils auraient eu le souci d’en éviter les abus et surtout le cumul dans un même contrat de plusieurs de ces dérogations à la règle du travail à temps plein.

           


            Parmi les objectifs visés par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 créant l'article 61-1 de la Constitution, celui de permettre au citoyen de faire valoir les droits qu’ils tirent de la Constitution est au cœur de cette réforme. Nous sommes exactement dans cette configuration où l’ordonnance 86-948 donnant une apparence de légalité au statut de « travailleur pauvre » bafoue les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
            Le tribunal ne pourra que reconnaître que l’enjeu est d’importance pour tous les travailleurs qui doivent subir les conséquences des nouvelles dispositions du code du travail octroyées aux employeurs sans un minimum d’encadrement par la loi.

            Enfin, dans la mesure où la question n’a pas encore été soumise au Conseil Constitutionnel, dans la lignée de l’interprétation du Conseil d’Etat dans sa décision de renvoi en date du 8 octobre 2010, n° 338505, la loi impose que Considérant qu'il résulte des dispositions du même article 23-5 que le caractère nouveau de la question impose au Conseil d'Etat d'en transmettre l'examen au Conseil constitutionnel ; qu'ainsi les moyens par lesquels il est fait valoir en défense que la question serait par ailleurs dépourvue de sérieux sont sans incidence sur la nécessité du renvoi ;

Permettre au législateur de se pencher sur le statut des « travailleurs pauvres ».

La stratégie en défense consiste à ramener le contrat d’intermittent scolaire au seul aspect du travail intermittent et à démontrer que sous cet aspect précis le droit serait respecté.

D’une part il est significatif que le terme de travail intermittent n’est pas présent dans l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 qui évoque le travail à durée déterminée, le travail temporaire et le travail à temps partiel.
D’autre part le statut de conducteur intermittent scolaire cumule d’être en même temps à temps partiel, avec une très grande amplitude non rémunérée et aussi d’être un travail intermittent, donc non rémunéré et non indemnisé pendant toutes les vacances scolaires, soit le tiers de l’année.
C’est le cumul de toutes ces dérogations dans un même contrat qui aboutit à rendre ce travail particulièrement pénible, ne permettant pas de vivre décemment et contraire à de nombreux principes constitutionnels.
Le seul texte législatif qui autorise toutes ces dérogations sous une même autorité et sans garde fou pour le travailleur, c’est l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986.
Tant que ce texte existera, il permettra que de telles dérogations puissent être cumulées dans un même contrat.
En déclarant ce texte inconstitutionnel, en obligeant le législateur à se pencher sur la question, les représentants du peuple auront l’occasion de décider ce qui, à leurs yeux, peut être considérer comme un travail respectant la dignité humaine, un travail donnant à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement


Les droits et libertés garantis

1          principe de séparation des pouvoirs,

« La séparation des pouvoirs et la protection des droits de l’homme
L’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 se réfère également à cette théorie en disposant que "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution". La séparation des pouvoirs apparaît ainsi comme le corollaire indispensable de la protection des droits naturels de l’homme : le contrôle mutuel qu’exercent les trois pouvoirs les uns envers les autres préservent l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux. Dans le même temps, la séparation des pouvoirs constitue un obstacle au despotisme et à la tentation du pouvoir personnel, puisqu’aucune personne ne peut concentrer entre ses mains la totalité des attributs de la souveraineté. »
Ce texte est repris du site La Vie Publique

            L’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 dans sa rédaction définitive n’a jamais été soumise aux assemblées parlementaires qui n’ont jamais été à même d’approuver, modifier ou abroger aucun des articles de cette ordonnance .
            Cette ordonnance, dans un domaine qui relève exclusivement de la loi, a été rédigée par les services de l’exécutif en violation de la déclaration 16 des Droits de l’Homme et du citoyen de 1789.
           

2          Principe de lisibilité de la loi

Dans une décision du 16 décembre 1999, le Conseil Constitutionnel considère que « l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi sont des objectifs de valeur constitutionnelle » car « la garantie des droits ne pourrait pas être effective si les citoyens ne disposaient pas d’une connaissance suffisante des normes qui sont applicables ».
Comme l’indique son intitulé, l’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel, instaure de nouvelles pratiques concernant le contrat de travail dans des domaines aussi divers que sa durée, son temps de travail qui peut devenir à temps partiel, temporaire ou intermittent…avec toujours le même objectif d’apporter de la souplesse en fonction des besoins de l’entreprise.

Avec l’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986, en plus de l’introduction du travail intermittent qui a cette particularité de maintenir le lien de subordination entre le salarié et l’entreprise pendant des périodes sans activité et sans rémunération, c’est de retrouver sous un même texte toutes ces différentes dérogations au travail à temps complet qui doit attirer l’attention.
En partant du principe que tout ce qui n’est pas légalement interdit est forcément autorisé, les partenaires sociaux ont allégrement puisé dans les moyens mis à leur disposition pour mettre sur pied des statuts de salariés qui répondaient exactement aux besoins des entreprises.
A partir du moment où les partenaires sociaux ont à leur disposition des textes ayant une apparence de légalité, il est compréhensible qu’ils les utilisent…même si ils se rendent compte que le programme qui attend celui qui va être soumis à de telles contraintes n’est pas sans inconvénient. A tel point que dans le protocole du 15 juin 1992, les signataires ont cru utile de préciser aux employeurs à l’article 2 qu’Avant la signature du contrat de travail, l'employeur informera le conducteur scolaire que compte tenu des règles de prise en charge par le régime général de la sécurité sociale, il lui appartient de s'assurer des conditions dans lesquelles il peut bénéficier d'une couverture sociale.

Dans sa décision n° 2013-336 QPC du 01 août 2013, le Conseil Constitutionnel rappelle dans ses attendus l’importance des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
16. Considérant que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi ;


3          L’article 2 de la Constitution Française est ainsi rédigée : La devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité" Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.
            L’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 26 août 1789 est ainsi rédigée :La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation…

            C’est par l’intermédiaire des assemblées élues que le peuple exprime sa volonté.

            La Constitution par l’article 34 énumère les domaines qui relèvent exclusivement du vote des assemblées. En application de cet article 34 de la Constitution, le droit du travail relève de la loi et donc des assemblées élues représentant le peuple.
            En légiférant dans le domaine du droit du travail sans permettre au peuple de s’exprimer sur ces questions par l’intermédiaire de ses élus, l’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 viole les textes constitutionnels.
            Si l’article 38 autorise le gouvernement à prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi et qui deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation, l’article 39 organise le parcours des projets de loi déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Un parcours commun aux lois ou aux ordonnances.
            Rien ne justifiait que le parlement ne puisse se prononcer sur cette ordonnance
            Ces 2 articles emploient le même terme de « déposés » pour indiquer l’une des étapes obligatoires pour que les projets de loi puissent être examinés par le parlement. Dans le cas présent, il n’y a jamais eu ratification expresse de l’Ordonnance que la pratique d’alors considérait comme ratifiée de manière implicite par le simple dépôt sur le bureau de l'une des deux assemblées.
            Au final le contenu de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 n’a jamais été débattu, amendé et encore moins approuvé par le législateur. On peut donc en conclure que l’Ordonnance répond uniquement à la volonté du gouvernement qui a pu prendre toutes les dispositions qui lui plaisaient sans que celles-ci puissent être controlées par le parlement, en violation totale des articles 2 et 24 de la Constitution ainsi que des articles 6 et 16 de la  Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
            Il est exact que le parlement a voté la loi d’habilitation n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures économiques par Ordonnance. Le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986 reconnaît au gouvernement le droit de ne pas communiquer le contenu des ordonnances dans la loi d’habilitation : Quant au grief tiré du défaut de précision des termes de l'habilitation :
21. Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l'habilitation qu'il demande en vue de la réalisation de son programme, il n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation et qu'il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions ;
On pourrait en déduire une certaine contradiction dans les décisions du Conseil Constitutionnel qui d’une part exige clarté et intelligibilité de la loi et d’autre part accepte une habilitation d’ordonnances dont le législateur ne connaît pas la teneur…Si ce n’est que la loi de ratification est supposée redonner au législateur tous les moyens de contrôle sur le contenu de ces ordonnances. Encore faut-il que le législateur use des pouvoirs dont il dispose.
La loi du 23 juillet 2008 en stipulant que Les ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse rappelle au législateur l’obligation d’assumer le role que lui attribue la Constitution.
           
            Le Conseil Constitutionnel a toujours considéré qu’il appartient au législateur, dans le domaine qui lui est réservé, de fixer les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à des exigences constitutionnelles. Pour le Conseil Constitutionnel, le fait que les garanties destinées à assurer le respect d’un droit ou d’une liberté reconnu par la Constitution soient fixées par la loi elle-même, et non par des règlements, est un élément même de l’effectivité de la protection de ce droit ou de cette liberté.

4          L’Alinéa 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 est ainsi rédigé : Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi.
            L’Alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 est ainsi rédigé : La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement,

            En rapprochant ces 2 principes constitutionnels et dans l’esprit du Préambule qui proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après, on peut affirmer que l’emploi tel que défini par la Constitution est supposé permettre au travailleur de vivre décemment, de nourrir sa famille et de pouvoir bénéficier de tous les autres droits constitutionnels.
 Loin du statut de « Travailleur pauvre » résultant de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986.

            Il faut avoir présent à l’esprit que l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 aborde de nombreux aspects de la relation de travail ainsi qu’il est précisé dans son intitulé ainsi rédigé : Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel.
            Si l’ordonnance crée le travail intermittent dans les articles 9 et 10, les autres articles abordent la durée du contrat de travail, le travail à temps partiel, le travail saisonnier…De nombreuses dérogations à la règle du travail à plein temps et à durée indéterminée sont ainsi créées.
            Est-ce du au fait de la présence de plusieurs dérogations dans un même texte de loi qui va inciter les partenaires sociaux à cumuler plusieurs de ces dérogations dans un même contrat de travail ? Toujours est il que c’est sous un vernis de légalité que sont ainsi créés des contrats de travail qui vont conduire au statut de « travailleur pauvre »
            Lorsque l’application effective de cette ordonnance aboutit à contraindre un salarié à travailler dans des conditions qui ne lui permettent pas de vivre décemment, ce sont les droits de ce salarié inscrits dans l’alinéa 5 et 10 du Préambule de la Constitution qui sont violés. En légalisant la possibilité d’un travail rémunéré 4 heures sur une journée de 11 heures, en suspendant le contrat de travail pendant les vacances scolaires, 4 mois sur 12 en 5 fois, sans rémunération et sans possibilité de s’inscrire au chomage, le travailleur est lié par un contrat qui lui procure un revenu annuel ne lui permettant pas de vivre décemment, contraire au principe de dignité humaine et contraire à la vision constitutionnelle de la qualification d’emploi.
           
            Les partenaires sociaux qui ont élaboré le protocole directement inspiré de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel ont eu conscience des contraintes exceptionnelles que cela entrainait pour le salarié au point que l’article 2 précise qu’Avant la signature du contrat de travail, l’employeur informera le conducteur scolaire que compte tenu des règles de prise en charge par le régime général de la Sécurité sociale, il lui appartient de s’assurer des conditions dans lesquelles il peut bénéficier d’une couverture sociale.

            Un contrat de travail qui non seulement assure une rémunération très faible ne permettant pas de vivre décemment mais en plus ne permet pas au salarié de bénéficier du minimum indispensable comme une couverture sociale, ne répond pas aux exigences de la Constitution.
            Certains pourront reprocher aux partenaires sociaux d’avoir pu signer un tel protocole. Mais ils ne font que mettre en pratique les outils mis à leur disposition. C’est au législateur, représentant de l’intérêt général, de poser les limites conciliables avec les principes fondamentaux reconnus par la Constitution. Ceci n’a pas été fait. Il eut suffi de limiter le nombre de dérogations à l’intérieur d’un même contrat de travail…

            En se référant à l’Alinéa 10 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi rédigé : La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement, on ne peut que constater que l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 aboutit à un résultat opposé à ce droit constitutionnel.


En foi de quoi l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 doit être déclarée inconstitutionnelle.

           








Par ces motifs

Ayant démontré que l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 avait acquis valeur législative par ratification implicite.

Ayant démontré que le statut de conducteur scolaire n’aurait pu exister sans les dispositions contenues dans l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 qui ont été mises en application dans le Protocole d’accord du 15 juin 1992.

Ayant démontré que le Conseil Constitutionnel ne s’était jamais prononcé sur cette ordonnance ayant acquis le statut de disposition législative.

Ayant démontré combien les dispositions contenues dans cette ordonnance violaient certains  droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et certains principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.


Je demande aux juges de la Cour d’Appel de Caen de transmettre la Question Prioritaire de Constitutionnalité à la Cour de Cassation en application de l’article 23-2 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958.







Le 12/11/2013                                                                       BOUTHEMY