Art. 61-1.- de la
Constitution française
Lorsque,
à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette
question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se
prononce dans un délai déterminé.
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
MEMOIRE RECAPITULATIF
Dans
le cadre du litige opposant
BOUTHEMY Jean Claude, né le 13 juillet 1951,
demeurant Le Pont Besnard 35460 La
Selle en cogles
Demandeur
Contre
la Société T I V , compagnie de transports d’ille et
vilaine
Défendeur
Assistée de Me Jean-Christophe
GOURET
Devant
LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR D’APPEL DE CAEN
à
l’audience du
16
janvier 2014 à 8h45
Disposition législative contestée :
- Ordonnance
n°86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail
relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps
partiel.
A partir du moment où il s’agit d’une ordonnance, se pose
d’une part la question de sa validité et d’autre part la question de savoir si
une telle ordonnance peut être qualifiée de disposition législative, condition
indispensable pour pouvoir faire l’objet d’une QPC.
L’article 38 de la Constitution Française prévoit que Les
ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat.
Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le
projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la
date fixée par la loi d'habilitation.
Le projet de loi portant Ratification des ordonnances
prises en application de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 a été déposé à
l'Assemblée Nationale le 20 décembre 1986 dont l’article unique est ainsi
rédigé : Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en
application de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le Gouvernement
à prendre diverses mesures d’ordre économique et social :
1°…
2° Ordonnance n° 86-948 du 11 aout
1986, modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à
durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel, prise en
application de la loi n°86-793 du 2 juillet 1986 ;
Nous pouvons donc affirmer que l’ordonnance déférée n’est
pas caduque.
Il
nous reste à examiner la question de la ratification de cette ordonnance
invoquée par les 2 parties en défense pour refuser que ma QPC puisse être
acceptée par les juges de la Cour d’Appel de Caen.
La
ratification permet de donner le statut législatif à une ordonnance qui demeure
au stade réglementaire faute de ratification.
La loi du 23 juillet 2008 en
affirmant que Les ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière
expresse a imposé aux législateurs une clarté dans une pratique qui pouvait
aboutir à une insécurité juridique.
Cette nouvelle disposition ne
s’impose que pour les ordonnances postérieures à la révision constitutionnelle
de 2008.
Avant
la loi du 23 juillet 2008, les autorités judiciaires reconnaissaient la ratification
implicite. Pour preuve, je fais appel à un extrait d’un Travail
parlementaire du Sénat intitulé LE RÉGIME JURIDIQUE DE LA RATIFICATION des
ORDONNANCES :
Jusqu'en 2008, la jurisprudence a admis que la ratification
puisse être implicite. Le Conseil constitutionnel a ainsi accepté dès 1972
qu'une ordonnance puisse faire l'objet d'une ratification implicite.
Dans sa décision n° 72-73L du 29 février
1972, il a déclaré que « l'article 38, non plus qu'aucune autre disposition
de la Constitution ne [faisait] obstacle à ce qu'une ratification intervienne
selon d'autres modalités que celle de l'adoption du projet de loi » de
ratification et que « par suite, cette ratification [pouvait] résulter
d'une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le
Parlement ». Il se situait ainsi dans le prolongement d'une jurisprudence
élaborée par le Conseil d'État sous la IVe République en matière de
ratification des décrets pris sur délégation législative.
Le juge constitutionnel a confirmé sa position en 1987,
par sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier sur la loi
transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du Conseil
de la concurrence en déclarant : « il n'est pas exclu que la
ratification de tout ou partie des dispositions d'une des ordonnances visées à
l'article 38 de la Constitution puisse résulter d'une loi qui, sans avoir
cette ratification pour objet direct, l'implique nécessairement [...] saisi
d'une loi de cette nature, il appartiendrait au Conseil constitutionnel de dire
si la loi comporte effectivement ratification de tout ou partie des
dispositions de l'ordonnance en cause et, dans l'affirmative, si les
dispositions auxquelles la ratification confère valeur législative sont conformes
à la Constitution ».
De même, le Conseil d'État, selon une jurisprudence
constante, a confirmé sous la Ve République la possibilité de procéder à
des ratifications implicites. La formulation de ses
arrêts avait tendance à reprendre celle du Conseil constitutionnel selon
laquelle la ratification de tout ou partie des dispositions d'une ordonnance
intervenue à la suite d'une loi d'habilitation prise sur le fondement de
l'article 38 de la Constitution « peut résulter d'une loi qui, sans
avoir cette ratification pour objet direct, l'implique nécessairement ».
En ce qui concerne l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986,
elles sont nombreuses les lois qui en modifiant les textes issus de cette
ordonnance lui ont conféré valeur législative.
Les
lois n° 87-423 du 19 juin 1987, no 90-613 du 12 juillet 1990, n° 93-1313 du 20
décembre 1993, n° 98-461 du 13 juin 1998 et no 2000-37 du 19 janvier 2000 qui
chacune ont modifié ou abrogé l’un ou l’autre article de l’Ordonnance n° 86-948
du 11 août 1986, ont conféré à chacun des articles de cette ordonnance l’aspect
législatif indispensable pour satisfaire la condition de disposition
législative imposée par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre
1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
Si
besoin je peux démontrer dans le détail le lien entre ces lois et chacun des
articles de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
Pour
refuser la transmission à la cour de cassation, la société Véolia s’appuie sur
l’abrogation de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
Un
argument qui serait à prendre en considération si il était exact.
Pour
se convaincre que l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 n’a pas été abrogée, il
suffit de se rendre sur le site de Légifrance où cette ordonnance existe dans
la version en vigueur à la date de ce jour.
Si
la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à
l'emploi et à la formation professionnelle, dans son article 43-III a, a
effectivement abrogé le paragraphe 3 de la section II du chapitre II du titre Ier du
livre II du code du travail et les articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du même
code qui avaient été créés par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986,
cette même loi précise dans le paragraphe qui suit que b) Les dispositions des conventions ou accords collectifs conclus en
application des articles L. 212-4-8 et suivants sont maintenues en vigueur.
Autant dire que cette abrogation ne
concerne en rien les dispositions du protocole du 15 juin 1992 qui sont
maintenues en vigueur malgré l’abrogation des textes qui ont créé le travail
intermittent.
Faire
état d’une telle abrogation sans incidence sur le débat qui nous concerne
relève d’une certaine malhonnêteté intellectuelle. En tirer la conclusion que
ma QPC serait donc inutile dans la mesure où on ne voit pas très bien
comment on pourrait demander au Conseil constitutionnel d’abroger quelque chose
qui l’a déjà été, est d’autant plus déplacé que, même si il y avait eu une
abrogation totale des articles instituant le travail intermittent, cette abrogation
ne concernerait que 3 articles sur les 14 articles qui constituent l’ordonnance
déférée.
D’autant
plus que le Conseil Constitutionnel lui-même dans une décision n° 2010-16 QPC
du 23 juillet 2010 a jugé que…, le constituant, en adoptant l'article
61-1 de la Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir
examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative
méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit ; que la
modification ou l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas
disparaître l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte
pas son effet utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite,
elle ne saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question
au Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette
dernière ;
En
tout état de cause, si les parties en défense arrivaient à convaincre le
tribunal que l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 devait être déclarée de
nature réglementaire, nous nous trouverions exactement dans la configuration de
l’incompétence négative où le législateur n’assume pas le role dévolu par la
Constitution et sanctionnée par le Conseil Constitutionnel en ces termes :
16. Considérant que la méconnaissance par le
législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question
prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte
par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la
Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations
civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la
compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;
que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur
constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle
des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises
et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de
droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque
d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou
juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été
confiée par la Constitution qu'à la loi ;
Normes Constitutionnelles invoquées :
1 -Constitution française
-
Principe de séparation des pouvoirs
-
Principe de lisibilité de la loi
-
Alinéa 5 du Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946. Chacun
a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi
-Alinéa
10 du Préambule de la Constitution du
27 octobre 1946. La Nation assure
à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement.
-Article
2 La devise de la République est "Liberté,
Égalité, Fraternité" Son principe est : gouvernement
du peuple, par le peuple et pour le peuple.
-Article
24 Le Parlement vote la loi. Il
contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques…
-Article
34 …La loi détermine les principes
fondamentaux : …
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale…
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale…
-Article
38 Le Gouvernement peut, pour
l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre
par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
-Article
39 L'initiative des lois appartient
concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.
Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.
Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l'Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l'article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.
La présentation
des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux
conditions fixées par une loi organique.
2 -Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen, 26 août 1789
-Article
6 La Loi est l’expression de
la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement,
ou par leurs Représentants, à sa formation…
-Article
16 Toute Société dans laquelle
la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs
déterminée, n'a point de Constitution.
Question
Prioritaire de Constitutionnalité
L’Ordonnance n° 86-948
du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au
contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel
d’une part en
instituant des dérogations à la norme du contrat de travail à temps
plein et à durée indéterminée,
d’autre part
en permettant le cumul de plusieurs de ces dérogations dans un même
contrat de travail
et enfin en se
substituant au législateur dans un domaine relevant de l’article 34 de la
Constitution Française
porte-t-elle
atteinte
premièrement
au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs,
deuxièmement
au principe constitutionnel de lisibilité de la loi,
troisièmement
aux droits du citoyen de participer à l’élaboration de la loi garantis d’une
part par les articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen du 26 août 1789 et d’autre part par les articles 2, 24 et 34 de la
Constitution Française,
quatrièmement
au droit constitutionnel de vivre dignement de son travail garanti par les
alinéas 5 et 10 du Préambule de la Constitution ?
.
Juridiction saisie : Cour d’Appel
de Caen
Par un arrêt n° 339 du
20 février 2013, la Cour de Cassation a cassé l’arrêt rendu par la Cour d’Appel
d’Angers et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d’Appel de Caen.
Le 25 février 2013,
j’envoyais un courrier à Monsieur Le Président de la chambre sociale de la cour
d’appel de Caen, lui demandant l’inscription de mon affaire qui a reçu comme
référence : RG 13-00712.
L’audience avait été
fixée au jeudi 3 octobre 2013 à 8 h 45.
Par décision du
tribunal, l’examen de la QPC est renvoyé au 16 janvier 2014.
Critères de
recevabilité
L’article 23-2 de
l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel exige que 3 conditions soient réunies pour la transmission par
la juridiction saisie de la QPC à la Cour de Cassation.
La juridiction statue sans délai par une décision
motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au
Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission
si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil
constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
1 La disposition législative
critiquée est applicable au litige
A partir du moment où la Société TIV
justifie de la légalité de mon contrat de travail du 9 mai 2000 en se référant
au protocole d’accord du 15 juin 1992,
annexé à la convention collective nationale des transports routiers, entré en
vigueur le 7 aout 1992 (arrêté d’extension du 4 aout) et que ce protocole
s’appuie sur l’ordonnance du 11 août 1986 qui instituait le travail
intermittent et d’autres dérogations au contrat de travail ordinaire, si je
démontre l’inconstitutionnalité de cette ordonnance, c’est l’illégalité de mon
contrat de travail qui est ainsi démontrée.
Une disposition législative au cœur du litige qui
m’oppose à la société TIV
La convention collective est un
texte réglementaire définissant chacun des statuts des employés d'une branche
professionnelle. Lorsqu’elle est étendue au niveau national, elle s’impose à
tous les travailleurs de la branche et à tous les employeurs.
Le protocole d’accord relatif au
contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires du 15 juin 1992 dont
l’arrêté d’extension du 4 aout 1992 est paru au JO du 7 aout 1992, s’impose à
toutes les entreprises pour l’emploi de conducteur scolaire.
A la date de mon embauche, le 9 mai
2000, c’était le seul texte en vigueur qui encadrait l’activité de conducteur
scolaire.
Des lois et des règlements étaient
parus entre temps mais aucun n’avait abrogé ou modifié cet accord collectif qui
continuera d’encadrer cette activité jusqu’à l’application d’un nouvel accord
collectif applicable en janvier 2004.
Sauf à apporter la preuve qu’il
existait au moment de mon embauche, à la date du 9 mai 2000, un autre accord
collectif applicable à la profession de conducteur scolaire, personne ne pourra
contester que c’est le protocole d’accord du 15 juin 1992 qui encadrait mon
contrat de travail conclu avec la Société TIV.
C’est en fonction de la situation au
moment des faits qui lui sont soumis que la justice doit se prononcer. Le
Conseil Constitutionnel lui-même a jugé que cette condition est remplie même si
la disposition législative en cause est abrogée depuis lors (n° 2010-16 QPC du
23 juillet 2010) :le constituant, en adoptant l'article 61-1 de la
Constitution, a reconnu à tout justiciable le droit de voir examiner, à sa
demande, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative méconnaît les
droits et libertés que la Constitution garantit ; que la modification ou
l'abrogation ultérieure de la disposition contestée ne fait pas disparaître
l'atteinte éventuelle à ces droits et libertés ; qu'elle n'ôte pas son effet
utile à la procédure voulue par le constituant ; que, par suite, elle ne
saurait faire obstacle, par elle-même, à la transmission de la question au
Conseil constitutionnel au motif de l'absence de caractère sérieux de cette
dernière ;
Comme il est dit dans le préambule
du protocole d’accord relatif au contrat de travail intermittent des
conducteurs scolaires, celui-ci intègre les préoccupations du législateur
énoncées dans l’Ordonnance du 11 aout 1986.
Dans le même préambule, la référence
aux articles L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du code du travail, créés par l’ordonnance
n°86-948 du 11 août 1986, renforce la subordination du protocole à cette
ordonnance.
Quant à l’argumentaire par lequel le
protocole d’accord du 15 juin 1992 ne saurait être lié d’une quelconque manière
à l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, il est assez consternant de constater
que pour sa démonstration, la partie adverse s’appuie sur l’article L 212-4-8
du code du travail en feignant d’ignorer que cet article de loi a été
créé par l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
Dans son mémoire en défense, le
ministère public invoque le manque de précision dans la question, ne lui
permettant pas de vérifier si la disposition critiquée peut être considérée
comme étant applicable au litige et présenter un caractère sérieux.
A
partir du moment où, dans son préambule, l’accord collectif du 15 juin 1992 qui
encadre la profession de conducteur scolaire fait explicitement référence à
l’ordonnance déférée.
A
partir du moment où ce même accord collectif
du 15 juin 1992 fait directement référence aux dispositions des articles
L. 212-4-8 à L. 212-4-11 du code du travail, créés par l’ordonnance n°86-948 du
11 août 1986.
A
partir du moment où mon contrat de travail comprend des périodes
intermittentes codifiées par l’article 10 de l’ordonnance n°86-948 du 11
août 1986.
A partir
du moment où mon contrat de travail comprend des périodes de travail à temps
partiel modifiées par l’article 8 de l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986.
A
partir du moment où mon contrat de travail cumule plusieurs dérogations à la
norme du travail à temps plein issues directement de l’application de l’ordonnance
n°86-948 du 11 août 1986 .
A
partir du moment où mon recours devant les différents tribunaux a toujours
contesté la légalité du statut de conducteur scolaire issu du protocole
d’accord du 15 juin 1992, il apparaît difficilement contestable que la
disposition législative critiquée est applicable au litige conformément au
critère exigé par l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
Considérant que mon contrat de
travail de conducteur scolaire était obligatoirement encadré par le protocole
d’accord relatif au contrat de travail intermittent des conducteurs scolaires
du 15 juin 1992, considérant que le protocole intégrait de nombreuses
dispositions contenues dans l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, considérant
que mon action devant la justice sociale porte sur la requalification de mon
contrat de travail, il n’est pas contestable que l’ordonnance n°86-948 du
11 août 1986 est au cœur du litige qui m’oppose à mon employeur, la société
TIV.
Si le Conseil Constitutionnel juge
anticonstitutionnelle l’ordonnance n°86-948 du 11 août 1986, les juges n’auront
d’autre solution que de déclarer mon contrat de travail illégal et de le requalifier
en contrat de travail à temps complet avec toutes les conséquences qui en
découlent.
2 La disposition législative
critiquée n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil
constitutionnel.
Dans la mesure où il s’agit d’une
ordonnance dont la ratification n’est pas expresse mais implicite, la saisie du
Conseil Constitutionnel par les membres du parlement était impossible.
La partie en défense s’appuie sur la
décision 99-423 DC pour affirmer que le Conseil Constitutionnel aurait déjà
déclaré conforme le dispositif du travail intermittent.
D’une part la question du travail
intermittent ne concerne qu’une petite partie de l’ordonnance n°86-948 du 11
août 1986. Sur les 14 articles de l’ordonnance, seul l’article 10 traite du
travail intermittent.
D’autre part le fait que dans sa
décision 99-423 DC, le Conseil Constitutionnel n’ait pas déclaré contraires à
la constitution des dispositions qui ne lui étaient pas soumises à contrôle, ne
signifie nullement une conformité à la Constitution. Aucune des questions
soulevées par les demandeurs ne portait sur le travail intermittent et le
Conseil lui-même dans son considérant 77 a précisé : Considérant qu'il
n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'examiner d'office aucune question
de constitutionnalité ; il en résulte que la conformité à la
Constitution du dispositif instituant le travail intermittent n’a jamais été
examiné par le Conseil Constitutionnel.
Enfin je réitère l’affirmation par
laquelle c’est surtout le cumul des dérogations dans un même contrat de travail
qui aboutit à priver le travailleur des droits et libertés que la Constitution
garantit
3 La question n'est pas
dépourvue de caractère sérieux..
Une fois écartés les
moyens fantaisistes ou dilatoires, quels sont les critères pour apprécier le
caractère sérieux d’une QPC et en particulier de celle-ci ?
1 Le fait que
le législateur a cru nécessaire de proposer une loi pour préciser que Les
ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse souligne
que la pratique antérieure à la loi du 23 juillet 2008 n’était pas
satisfaisante et que cela était susceptible de remettre en cause la
constitutionnalité des ordonnances ratifiées de manière implicite.
2 Au vu de
tout ce qui a été développé sur le cheminement particulier de cette ordonnance,
sur les conséquences pour le moins contestables, concernant les droits et
libertés garantis par la Constitution, de l’application concrète des
possibilités offertes aux employeurs, peut-on affirmer de manière certaine
qu’aucun droit ou liberté n’est remis en cause par cette ordonnance ?
Le simple doute
sur la constitutionnalité de cette ordonnance doit conduire les juges de la
Cour d’Appel à transmettre la QPC à la Cour de cassation.
3 Lorsque
l’on constate les résultats qui découlent pour le « travailleur
pauvre » des possibilités offertes par cette Ordonnance, l’on ne peut que
souhaiter que le législateur puisse être saisi de la question du cumul de
dérogations dans un même contrat. L’inconstitutionnalité obligera le
législateur à se prononcer sur un tel sujet.
Pour démontrer l’absence de sérieux
de la question soulevée, la partie en défense s’appuie sur une abrogation de la
disposition critiquée, sur une loi d’habilitation non censurée par le Conseil
Constitutionnel et…sur un jugement de la cour administrative d’appel de Nantes.
Alors même que l’abrogation ne concernait pas les accords conclus
antérieurement, alors que le Conseil Constitutionnel dans son considérant 21 a
affirmé Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les
finalités de l'habilitation qu'il demande en vue de la réalisation de son
programme, il n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il
prendra en vertu de cette habilitation et qu'il ne lui est pas interdit de
faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne
connaîtra que plus tard les conclusions ; alors que la référence à ce
jugement ne vise qu’à déconsidérer le combat que je poursuis pour faire
bénéficier les plus pauvres des droits inscrits dans la Constitution, la partie
défenderesse démontre le peu de sérieux de ses arguments
Les moyens nouveaux octroyés aux
employeurs par cette ordonnance n°86-948 du 11 août 1986 ont abouti à ce statut
nouveau de « travailleur pauvre » qui ne permet plus au salarié
de vivre décemment de son travail.
On peut espérer que si les élus au
parlement avaient eu l’occasion de se prononcer sur ces moyens nouveaux
octroyés aux employeurs, ils auraient eu le souci d’en éviter les abus et
surtout le cumul dans un même contrat de plusieurs de ces dérogations à la
règle du travail à temps plein.
Parmi les objectifs visés par la
réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 créant l'article 61-1 de la
Constitution, celui de permettre au citoyen de faire valoir les droits qu’ils
tirent de la Constitution est au cœur de cette réforme. Nous sommes exactement
dans cette configuration où l’ordonnance 86-948 donnant une apparence de
légalité au statut de « travailleur pauvre » bafoue les droits et
libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de
1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Le tribunal ne pourra que
reconnaître que l’enjeu est d’importance pour tous les travailleurs qui doivent
subir les conséquences des nouvelles dispositions du code du travail octroyées
aux employeurs sans un minimum d’encadrement par la loi.
Enfin, dans la mesure où la question
n’a pas encore été soumise au Conseil Constitutionnel, dans la lignée de
l’interprétation du Conseil d’Etat dans sa décision de renvoi en date du 8
octobre 2010, n° 338505, la loi impose que Considérant qu'il résulte des
dispositions du même article 23-5 que le caractère nouveau de la question
impose au Conseil d'Etat d'en transmettre l'examen au Conseil constitutionnel ;
qu'ainsi les moyens par lesquels il est fait valoir en défense que la question
serait par ailleurs dépourvue de sérieux sont sans incidence sur la nécessité
du renvoi ;
Permettre
au législateur de se pencher sur le statut des « travailleurs
pauvres ».
La
stratégie en défense consiste à ramener le contrat d’intermittent scolaire au
seul aspect du travail intermittent et à démontrer que sous cet aspect précis
le droit serait respecté.
D’une
part il est significatif que le terme de travail intermittent n’est pas présent
dans l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 qui évoque le travail à durée
déterminée, le travail temporaire et le travail à temps partiel.
D’autre
part le statut de conducteur intermittent scolaire cumule d’être en même temps
à temps partiel, avec une très grande amplitude non rémunérée et aussi d’être
un travail intermittent, donc non rémunéré et non indemnisé pendant toutes les
vacances scolaires, soit le tiers de l’année.
C’est
le cumul de toutes ces dérogations dans un même contrat qui aboutit à rendre ce
travail particulièrement pénible, ne permettant pas de vivre décemment et
contraire à de nombreux principes constitutionnels.
Le
seul texte législatif qui autorise toutes ces dérogations sous une même autorité
et sans garde fou pour le travailleur, c’est l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août
1986.
Tant
que ce texte existera, il permettra que de telles dérogations puissent être
cumulées dans un même contrat.
En
déclarant ce texte inconstitutionnel, en obligeant le législateur à se pencher
sur la question, les représentants du peuple auront l’occasion de décider ce
qui, à leurs yeux, peut être considérer comme un travail respectant la dignité
humaine, un travail donnant à l’individu et à la famille les conditions
nécessaires à leur développement
Les droits et
libertés garantis
1 principe de séparation des
pouvoirs,
« La séparation des pouvoirs et la protection des
droits de l’homme
L’article
16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
se réfère également à cette théorie en disposant que "Toute société dans
laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs
déterminée, n’a point de Constitution". La séparation des pouvoirs
apparaît ainsi comme le corollaire
indispensable de la protection des droits naturels de l’homme :
le contrôle mutuel qu’exercent les trois pouvoirs les uns envers les autres
préservent l’individu des atteintes à ses droits fondamentaux. Dans le même
temps, la séparation des pouvoirs constitue un obstacle au despotisme et à la
tentation du pouvoir personnel, puisqu’aucune personne ne peut concentrer entre
ses mains la totalité des attributs de la souveraineté. »
Ce texte est repris du site La Vie Publique
L’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 dans sa rédaction définitive n’a jamais été
soumise aux assemblées parlementaires qui n’ont jamais été à même d’approuver,
modifier ou abroger aucun des articles de cette ordonnance .
Cette
ordonnance, dans un domaine qui relève exclusivement de la loi, a été rédigée
par les services de l’exécutif en violation de la déclaration 16 des Droits
de l’Homme et du citoyen de 1789.
2 Principe de lisibilité de la
loi
Dans une décision du 16 décembre 1999, le Conseil
Constitutionnel considère que « l’accessibilité et l’intelligibilité de la
loi sont des objectifs de valeur constitutionnelle » car « la garantie
des droits ne pourrait pas être effective si les citoyens ne disposaient pas
d’une connaissance suffisante des normes qui sont applicables ».
Comme
l’indique son intitulé, l’ordonnance n°
86-948 du 11 août 1986 modifiant les dispositions du code du
travail relatives au contrat à durée déterminée, au travail temporaire et au
travail à temps partiel, instaure de nouvelles pratiques concernant le
contrat de travail dans des domaines aussi divers que sa durée, son temps de
travail qui peut devenir à temps partiel, temporaire ou intermittent…avec
toujours le même objectif d’apporter de la souplesse en fonction des besoins de
l’entreprise.
Avec
l’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986, en plus de l’introduction du travail
intermittent qui a cette particularité de maintenir le lien de subordination
entre le salarié et l’entreprise pendant des périodes sans activité et sans
rémunération, c’est de retrouver sous un même texte toutes ces différentes
dérogations au travail à temps complet qui doit attirer l’attention.
En partant du
principe que tout ce qui n’est pas légalement interdit est forcément autorisé,
les partenaires sociaux ont allégrement puisé dans les moyens mis à leur
disposition pour mettre sur pied des statuts de salariés qui répondaient
exactement aux besoins des entreprises.
A partir du
moment où les partenaires sociaux ont à leur disposition des textes ayant une
apparence de légalité, il est compréhensible qu’ils les utilisent…même si ils
se rendent compte que le programme qui attend celui qui va être soumis à de
telles contraintes n’est pas sans inconvénient. A tel point que dans le
protocole du 15 juin 1992, les signataires ont cru utile de préciser aux
employeurs à l’article 2 qu’Avant la signature du contrat de travail,
l'employeur informera le conducteur scolaire que compte tenu des règles de
prise en charge par le régime général de la sécurité sociale, il lui appartient
de s'assurer des conditions dans lesquelles il peut bénéficier d'une couverture
sociale.
Dans
sa décision n° 2013-336 QPC du 01 août 2013, le Conseil Constitutionnel
rappelle dans ses attendus l’importance des dispositions
suffisamment précises et des formules non équivoques.
16. Considérant que la méconnaissance par le
législateur de sa propre compétence peut être invoquée à l'appui d'une question
prioritaire de constitutionnalité dans le cas où cette méconnaissance affecte
par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit;
17. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la
Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations
civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la
compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ;
que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur
constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle
des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises
et des formules non équivoques ; qu'il doit en effet prémunir les sujets de
droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque
d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou
juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été
confiée par la Constitution qu'à la loi ;
3 L’article 2 de la Constitution
Française est ainsi rédigée : La
devise de la République est "Liberté, Égalité, Fraternité" Son principe est : gouvernement du peuple, par le
peuple et pour le peuple.
L’article
6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 26 août 1789 est
ainsi rédigée :La Loi est
l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement,
ou par leurs Représentants, à sa formation…
C’est par l’intermédiaire des
assemblées élues que le peuple exprime sa volonté.
La Constitution par l’article 34
énumère les domaines qui relèvent exclusivement du vote des assemblées. En
application de cet article 34 de la Constitution, le droit du travail relève de
la loi et donc des assemblées élues représentant le peuple.
En légiférant dans le domaine du
droit du travail sans permettre au peuple de s’exprimer sur ces questions par
l’intermédiaire de ses élus, l’ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 viole les textes
constitutionnels.
Si l’article 38 autorise le
gouvernement à prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures
qui sont normalement du domaine de la loi et qui deviennent caduques si
le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la
date fixée par la loi d'habilitation, l’article 39 organise le parcours des
projets de loi déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées. Un
parcours commun aux lois ou aux ordonnances.
Rien ne justifiait que le parlement
ne puisse se prononcer sur cette ordonnance
Ces 2 articles emploient le même
terme de « déposés » pour indiquer l’une des étapes obligatoires
pour que les projets de loi puissent être examinés par le parlement. Dans le
cas présent, il n’y a jamais eu ratification expresse de l’Ordonnance que la
pratique d’alors considérait comme ratifiée de manière implicite par le simple
dépôt sur le bureau de l'une des deux assemblées.
Au final le contenu de l’Ordonnance n° 86-948 du
11 août 1986 n’a jamais été débattu, amendé et encore moins approuvé par le
législateur. On peut donc en conclure que l’Ordonnance répond uniquement à la
volonté du gouvernement qui a pu prendre toutes les dispositions qui lui
plaisaient sans que celles-ci puissent être controlées par le parlement, en
violation totale des articles 2 et 24 de la Constitution ainsi que des articles
6 et 16 de la Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Il est exact que le parlement a voté
la loi d’habilitation n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le
Gouvernement à prendre diverses mesures économiques par Ordonnance. Le Conseil Constitutionnel dans sa décision n° 86-207
DC du 26 juin 1986 reconnaît au gouvernement le droit de ne pas communiquer le
contenu des ordonnances dans la loi d’habilitation : Quant
au grief tiré du défaut de précision des termes de l'habilitation :
21. Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l'habilitation qu'il demande en vue de la réalisation de son programme, il n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation et qu'il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions ;
21. Considérant que, si le Gouvernement doit définir avec précision les finalités de l'habilitation qu'il demande en vue de la réalisation de son programme, il n'est pas tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation et qu'il ne lui est pas interdit de faire dépendre cette teneur des résultats de travaux et d'études dont il ne connaîtra que plus tard les conclusions ;
On pourrait en déduire une certaine contradiction dans les
décisions du Conseil Constitutionnel qui d’une part exige clarté et intelligibilité
de la loi et d’autre part accepte une habilitation d’ordonnances dont le
législateur ne connaît pas la teneur…Si ce n’est que la loi de ratification est
supposée redonner au législateur tous les moyens de contrôle sur le contenu de
ces ordonnances. Encore faut-il que le législateur use des pouvoirs dont il
dispose.
La loi du 23 juillet 2008 en stipulant que Les
ordonnances ne pourront plus être ratifiées que de manière expresse
rappelle au législateur l’obligation d’assumer le role que lui attribue la
Constitution.
Le Conseil Constitutionnel a
toujours considéré qu’il appartient au législateur, dans le domaine qui lui est
réservé, de fixer les limitations justifiées par l'intérêt général ou liées à
des exigences constitutionnelles. Pour le Conseil Constitutionnel, le fait que
les garanties destinées à assurer le respect d’un droit ou d’une liberté
reconnu par la Constitution soient fixées par la loi elle-même, et non par des
règlements, est un élément même de l’effectivité de la protection de ce droit
ou de cette liberté.
4 L’Alinéa 5 du Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 est ainsi rédigé : Chacun a le devoir
de travailler et le droit d'obtenir un emploi.
L’Alinéa 10 du Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 est ainsi rédigé : La Nation assure à
l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement,
En rapprochant ces 2 principes
constitutionnels et dans l’esprit du Préambule qui proclame, en outre, comme
particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques,
économiques et sociaux ci-après, on peut affirmer que l’emploi tel que
défini par la Constitution est supposé permettre au travailleur de vivre
décemment, de nourrir sa famille et de pouvoir bénéficier de tous les autres
droits constitutionnels.
Loin du statut de « Travailleur pauvre »
résultant de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986.
Il faut avoir présent à l’esprit que
l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 aborde de nombreux aspects de la relation de
travail ainsi qu’il est précisé dans son intitulé ainsi rédigé :
Ordonnance n° 86-948 du 11
août 1986 modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à
durée déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel.
Si l’ordonnance crée le travail
intermittent dans les articles 9 et 10, les autres articles abordent la durée
du contrat de travail, le travail à temps partiel, le travail saisonnier…De
nombreuses dérogations à la règle du travail à plein temps et à durée
indéterminée sont ainsi créées.
Est-ce du au fait de la présence de
plusieurs dérogations dans un même texte de loi qui va inciter les partenaires
sociaux à cumuler plusieurs de ces dérogations dans un même contrat de
travail ? Toujours est il que c’est sous un vernis de légalité que sont ainsi
créés des contrats de travail qui vont conduire au statut de « travailleur
pauvre ».
Lorsque l’application
effective de cette ordonnance aboutit à contraindre un salarié à travailler
dans des conditions qui ne lui permettent pas de vivre décemment, ce sont les
droits de ce salarié inscrits dans l’alinéa 5 et 10 du Préambule de la
Constitution qui sont violés. En légalisant la possibilité d’un travail
rémunéré 4 heures sur une journée de 11 heures, en suspendant le contrat de
travail pendant les vacances scolaires, 4 mois sur 12 en 5 fois, sans
rémunération et sans possibilité de s’inscrire au chomage, le travailleur est
lié par un contrat qui lui procure un revenu annuel ne lui permettant pas de
vivre décemment, contraire au principe de dignité humaine et contraire à la
vision constitutionnelle de la qualification d’emploi.
Les partenaires sociaux qui ont
élaboré le protocole directement inspiré de l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986
modifiant les dispositions du code du travail relatives au contrat à durée
déterminée, au travail temporaire et au travail à temps partiel ont eu
conscience des contraintes exceptionnelles que cela entrainait pour le salarié
au point que l’article 2 précise qu’Avant la signature du contrat de
travail, l’employeur informera le conducteur scolaire que compte tenu des
règles de prise en charge par le régime général de la Sécurité sociale, il lui
appartient de s’assurer des conditions dans lesquelles il peut bénéficier d’une
couverture sociale.
Un contrat de travail qui non
seulement assure une rémunération très faible ne permettant pas de vivre
décemment mais en plus ne permet pas au salarié de bénéficier du minimum
indispensable comme une couverture sociale, ne répond pas aux exigences de la
Constitution.
Certains pourront reprocher aux
partenaires sociaux d’avoir pu signer un tel protocole. Mais ils ne font que
mettre en pratique les outils mis à leur disposition. C’est au législateur,
représentant de l’intérêt général, de poser les limites conciliables avec les
principes fondamentaux reconnus par la Constitution. Ceci n’a pas été fait. Il
eut suffi de limiter le nombre de dérogations à l’intérieur d’un même contrat
de travail…
En se référant à l’Alinéa 10
du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ainsi rédigé : La
Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur
développement, on ne peut que constater que l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986
aboutit à un résultat opposé à ce droit constitutionnel.
En foi de
quoi l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 doit être déclarée
inconstitutionnelle.
Par ces motifs
Ayant
démontré que l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 avait acquis valeur législative
par ratification implicite.
Ayant
démontré que le statut de conducteur scolaire n’aurait pu exister sans les
dispositions contenues dans l’Ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 qui ont été
mises en application dans le Protocole d’accord du 15 juin 1992.
Ayant
démontré que le Conseil Constitutionnel ne s’était jamais prononcé sur cette
ordonnance ayant acquis le statut de disposition législative.
Ayant
démontré combien les dispositions contenues dans cette ordonnance violaient
certains droits et libertés de
l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et
certains principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Je demande aux juges de la Cour d’Appel de Caen de
transmettre la Question Prioritaire de Constitutionnalité à la Cour de
Cassation en application de l’article 23-2 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7
novembre 1958.
Le 12/11/2013 BOUTHEMY